Les leaders du marché sont à Monaco

Les mastodontes Sotheby’s, Christie’s et Artcurial ont pignon sur rue à Monaco.

Art contemporain, maîtres anciens, bijoux, design, street art... Monaco est une terre de collectionneurs, ayant souvent un pied-à-terre aussi bien en Europe, aux Etats-Unis, en Russie ou en Suisse. Et c’est pourquoi les acteurs principaux du marché de l’art se sont tous implantés en Principauté. « Monaco compte une centaine de grands collectionneurs dont une vingtaine au top du top, qui ont construit avec passion une collection pertinente, avec une âme », souffle Louise Grether, Directrice de Sotheby’s Monaco. La plus ancienne maison de ventes aux enchères au monde, fondée en 1744 à Londres par Samuel Baker, a ouvert sa succursale monégasque en 1967. Devenant ainsi la première maison de vente internationale à organiser une vente dans la Principauté, avec la vente aux enchères de la collection de Redé Rothschild au Sporting d’Hiver en 1975.

Monaco, plateforme des ventes de prestige
Sotheby’s se sert de la Principauté comme plateforme pour ses ventes de prestige. Avec la volonté de contrecarrer le monopole des commissaires-priseurs en France, interdisant aux maisons étrangères de vendre sur le territoire hexagonal…. « A cette époque, Monaco, symbole du glamour, était choisi pour les ventes événements. Chaque vente était théâtrale, chargée d’émotions… » commente Louise Grether. Le bureau de Monte-Carlo se voit ainsi confier de nombreuses collections privées, comme la succession de Mona Bismarck (1986), le mobilier Memphis de Karl Lagerfeld (1991), la collection de Guy de Rothschild du Château de Ferrières (1994), la collection du Comte et de la Comtesse de Paris (1996).

Dans la même logique, le grand rival Christie’s s’installe en Principauté en 1985. La maison de ventes fondée en 1766 par James Christie organise alors ses ventes importantes à l’hôtel Loews comme celle de la collection de Sir Charles Clore, comportant des meubles et objets d’art français très recherchés. Monaco devient une place forte pour le mobilier. En 1993, l'ensemble de mobilier Louis XIV appartenant au couturier Hubert de Givenchy est vendu pour un peu plus de 155 millions de francs…

Dans les années 1980, la maison de vente Tajan rivalise avec le duo de choc. Né à Monaco, le commissaire-priseur Jacques Tajan initie des ventes à thèmes. Sur ses 2 000 vacations (quelque 2 millions d'objets d'art vendus !), il organise pas moins de 100 ventes à Monaco*.  Tajan organisera pendant plus de 30 ans des ventes estivales de bijoux, montres, design et d’art moderne et contemporain à Monaco, au Café de Paris. C’est le fils de Jacques Tajan, François, qui implantera Artcurial à Monaco en 2015, permettant à la maison d’être présente toute l’année en Principauté et plus largement sur la Côte d’Azur, au-delà de ses ventes de prestige organisées autour des spécialités Joaillerie, Horlogerie de Collection et Hermès & Luxury Bags.

Crise dans les années 90
A partir des années 1990, la place monégasque connait un fléchissement, lié à la première crise du Golfe, l’inflation galopante japonaise et au Scudo fiscale qui entraîne une baisse de la fréquentation d’une clientèle italienne importante. Les maisons anglo-saxonnes désertent la place pour déplacer leur centre de gravité à Paris… Monaco, devient alors un lieu de collecte d’objets, plus que de vente. Une tendance amplifiée par la fin du monopole des 458 commissaires-priseurs français. « Monaco reste une place importante même si on organise uniquement les ventes qui ont un lien particulier avec la principauté comme la succession du créateur iconique Karl Lagerfeld (2021) ou en lien avec le Grand Prix historique. Notre bureau est très actif, Sotheby’s propose des services complets pour les collectionneurs privés, les musées et les entreprises : expertises, conseils, conservation et entreposage d’œuvres, restitution, taxation et prêts financiers », indique Louise Grether. Même stratégie chez Christie’s qui n’organise plus d’enchères depuis l’ouverture d’une salle de ventes Christie’s à Paris, en 2001, mais des expertises et des ventes privées.

Des ventes spectaculaires
Mais comme l’histoire n’est qu’une question de cycles, Monaco renoue avec les records après les années de crise, grâce à la multiplicité d’acteurs comme Hôtel des Ventes Monte-Carlo, Wannenes ou Accademia Fine Art. En 2021, la succession de Karl Lagerfeld, vendue à Monaco par Sotheby’s, avait atteint 12 millions d'euros, soit quatre fois les estimations. Lors de la traditionnelle vente aux enchères biennale de RM Sotheby's, en mai 2024, les collectionneurs se sont arraché la collection personnelle du Champion du Monde de Formule 1 Jody Scheckter. Notamment la Ferrari 312 T4, adjugée 7,655 millions d’euros ! soit la meilleure vente de ce meeting de Monaco ! C'est au volant de cette monoplace que Jody Scheckter a remporté trois victoires lors de la saison 1979 de Formule 1, en Belgique, à Monaco et en Italie. D'autres monoplaces de la collection Jody Scheckter, en l'occurrence une McLaren M23 de 1973 (adjugée 1 028 750 €) et une Tyrrell P34 de 1977 (vendue 1 040 000 €), ont vu leur prix de vente dépasser le million d'euros. En 2024 aussi, la Monaco Auction Week estivale d'Artcurial a généré près de 10 millions d'euros de ventes. La Reina Marina Blue de Manolo Valdès, en résine cristalline, a dépassé le million d’euros (frais inclus), tandis que Le Chien de François-Xavier Lalanne a triplé son estimation à 564 000 euros !

 

Par Milena Radoman, Monaco Economie