SIAMP-CEDAP : « La diversification géographique est notre meilleur bouclier »
Le groupe monégasque Siamp Cedap qui compte plus de 1 000 collaborateurs à travers le monde, travaille dans une cinquantaine de pays et réalise un chiffre d’affaires d’environ 200 millions d’euros. Rencontre avec son Directeur Exécutif Djivan Djierdjian.
Comment décririez-vous la mission et la vision de Siamp Cedap ?
Nos activités sont clairement distinctes : CEDAP conçoit et fabrique des emballages pour l'industrie agroalimentaire, tandis que SIAMP développe des solutions innovantes pour l’espace WC, comme les systèmes de chasse d’eau, réservoirs et abattants.
La mission de CEDAP est d’assurer un maillon essentiel de la chaîne agroalimentaire en garantissant à la fois la sécurité des consommateurs et la transition écologique des emballages. Pour SIAMP, nous visons à rendre accessibles des solutions durables d’hygiène dans tous les espaces de vie.
Notre vision est d’harmoniser la qualité de vie que nous apportons à des millions d’utilisateurs avec un impact environnemental positif, pour préserver les ressources et les générations futures.
Il s’agit de deux métiers complètement différents. A l'origine, qu'est-ce qui explique cette diversification ?
Le groupe a été fondé à Monaco en 1947. Aujourd’hui, je représente la troisième génération à la tête de cette entreprise familiale, toujours 100% indépendante.
Nos deux métiers se retrouvent autour de la transformation du plastique. À l’après-guerre, ce matériau est venu remplacer le bois et la céramique dans de nombreux objets, grâce à ses qualités en termes de sécurité, d'hygiène et de design. Monaco, qui disposait alors d’une industrie manufacturière naissante, a été un terrain propice. Aujourd’hui, alors que le tissu industriel monégasque évolue, nous adaptons notre stratégie pour rester en phase avec la réalité locale tout en développant notre présence mondiale.
Le groupe réalise désormais un chiffre d’affaires d’environ 200 millions d’euros.
Vous êtes présent sur plusieurs continents. Où est faite votre production ?
Nous employons un peu moins de 200 personnes à Monaco, réparties entre le siège, situé sur le port, et notre site de production et R&D à Fontvieille. Cette usine moderne et multi-étages est un atout majeur. On y fabrique nos produits à plus forte valeur ajoutée. C’est un facteur très apprécié par nos grands clients comme Leroy Merlin, Castorama, Vinci ou Bouygues, qui valorisent la proximité et la réactivité.
Au total, le groupe compte six usines, avec plus de 1 000 collaborateurs chez SIAMP répartis à l’international, et quatre usines pour CEDAP implantées en France, Belgique, Mexique et États-Unis. Nous travaillons aujourd’hui dans une cinquantaine de pays.
Les crises géopolitiques, que ce soit la guerre en Ukraine, l’embargo sur la Russie ou la hausse des droits de douane aux Etats-Unis, vous ont-elles impacté ?
Notre présence multi-sites, notamment en Amérique, nous permet de rester pleinement opérationnels et de proposer des solutions adaptées malgré les fluctuations géopolitiques, que ce soit la guerre en Ukraine, les sanctions contre la Russie, ou encore le renforcement des droits de douane aux États-Unis. Cette diversification géographique est notre meilleur bouclier.
Vous avez des cibles nouvelles pour votre croissance ?
Nous explorons plusieurs pistes, en renforçant nos filiales existantes, mais aussi en envisageant des acquisitions dans des secteurs connexes. Notre priorité est l’innovation autour d’enjeux forts : l’économie de l’eau dans nos solutions sanitaires, et la sécurité alimentaire dans nos emballages, tout en minimisant notre empreinte environnementale.
L’efficience hydrique, notamment dans l’habitat et les locaux tertiaires, constitue un défi majeur que nous souhaitons adresser à l’international.
Vous cherchez à utiliser des matières plastiques recyclées ?
Oui, et nous visons l’intégration de 10% à 30% de plastique recyclé, provenant de produits post-consommation. Ce choix se fait avec rigueur, car la performance et la sécurité de nos produits ne peuvent être compromises.
Par ailleurs, nous avons pris une participation dans un fabricant innovant de PLA*, qui est une matière biodégradable et biosourcé, produite à partir de résidus de blé. Le PLA élimine le risque de microplastique persistant dans l’environnement. C’est une solution prometteuse pour remplacer certains polystyrènes, que nous mettons activement en avant auprès de nos clients.
Et c’est un pari gagnant pour le moment ?
Le principal obstacle reste le coût : le PLA est aujourd’hui deux fois plus cher que les plastiques classiques. Pour nos clients, qui produisent en grande quantité, cet écart est un sujet incontournable. La technologie est disponible, mais le marché mettra du temps à évoluer face à des consommateurs très sensibles au prix, surtout après des périodes inflationnistes fortes. Le changement d’une résine pétrosourcée vers une alternative durable est une transition qui se mesure en dizaines d’années.
Il y a néanmoins urgence comme le montre la conférence sur la pollution plastique…
Indéniablement. En tant qu’industriels, nous avons un rôle et une responsabilité majeurs pour accélérer cette transition. Parfois, nous devons même être plus ambitieux que certains décideurs politiques. La conférence a révélé une fracture importante entre pays producteurs de pétrole, réticents à réduire l’usage du plastique, et pays engagés vers une économie circulaire plus rigoureuse. Des mesures incitatives apparaissent pourtant, comme en Espagne où un malus s’applique aux emballages sans 10% minimum de matières recyclées. L’Europe s’engage également via la directive PPWR, qui impose des obligations concrètes en matière de recyclage et d’incorporation de matières recyclées.
Pour Siamp-Cedap, l’avenir repose sur une innovation constante autour des matériaux recyclés, du réemploi, de la biodégradabilité, et de l’allongement de la durée de vie de nos produits.
Vous avez démarré vos bilans carbone ?
Oui, notre Direction RSE réalise ce bilan annuellement. Il guide nos décisions stratégiques en identifiant les enjeux prioritaires pour réduire notre impact climatique. Concrètement, l’enseignement principal de nos bilans carbone est que nous devons porter nos efforts en priorité sur le choix des matières premières. Nous adoptons une approche de partenariat avec nos fournisseurs pour le développement des plastiques recyclés, allégés ou biodégradables, limitant ainsi à la fois la pollution plastique et les émissions de gaz à effet de serre. Nous mettons aussi en œuvre la directive Clean Sweep dans toutes nos usines, une démarche certifiée, qui vise à éviter toute dispersion de granulés plastiques dans l’environnement.
Vous avez signé un partenariat avec la startup FGWRS. L’utilisation des eaux grises n’est toujours pas autorisée sauf exception dans un monde où il y a une pénurie d'eau. Pourquoi ?
L’usage des eaux grises est extrêmement encadré en France et en Europe, avec une priorité absolue donnée à la sécurité sanitaire, ce qui est parfaitement justifié. L’enjeu est d’éviter tout risque de contamination entre eau potable, eau grise et eau noire dans les circuits des bâtiments, une règle fondamentale. Cependant, face à la pénurie croissante d’eau, cette sécurité doit s’articuler avec l’innovation.
*Futerro est spécialisée dans la production de PLA, détenue par Finasucre, la société sucrière de la famille Lippens, et par la holding cotée en bourse Bois Sauvage de la famille Paquot. L’entreprise souhaite construire une usine de bioplastiques en Normandie, à Port-Jérôme, entre Le Havre et Rouen, qui devrait être opérationnelle d’ici 2027. Selon Ouest France, l’usine vise une production de PLA d’une capacité annuelle de 75 000 tonnes. Le projet nécessitera un investissement de 500 millions d’euros.